Des analyses de laboratoire toujours plus automatisées

La plupart des gros laboratoires agréés, publics ou privés, sont désormais équipés de robots capables de prendre en charge toute l’analyse d’échantillons d’eau. Cadence, sécurité et simplicité d’utilisation sont leurs principaux atouts. Ce sont également les voies d’amélioration sur lesquelles travaillent les fabricants : des analyses plus rapides, plus de sécurité pour le personnel, des robots plus faciles à utiliser pour analyser plus de paramètres... A côté de ces Rolls de l’analyse, l’automatisation progresse aussi sans cesse à tous les niveaux, que ce soit sur les passeurs d’échantillons, la préparation des analyses ou les appareils d’analyse eux-mêmes. Tour d’horizon.

Les analyses dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques sont menées, en France, par des laboratoires publics et privés. Environ 140 sont accrédités par la Cofrac (Comité français d’accréditation) et agréés par le ministère chargé de la Santé. Certains sont regroupés dans des plateformes comme Eurofins, Carso, Labocea, Cereco, Labeo, Inovalys ou Terana. En dehors des prestations réglementaires obligatoires, des laboratoires d’industriels mènent aussi leurs propres analyses à titre d’autosurveillance. Selon leurs besoins, tous ces laboratoires utilisent des techniques plus ou moins automatisées jusqu’au robot lorsque le volume d’analyses est conséquent, pour les plus gros. Des laboratoires de taille moyenne et d’industriels, notamment quelques grosses stations d’épuration, ont aussi fait ce choix. Plusieurs fabricants proposent des solutions plus ou moins automatisées comme Hach Lange, Macherey Nagel, Shimadzu, Mettler Toledo, Agilent Technologies, Horiba, Thermo Scientific, Metrohm, AMS Alliance, Analytik Jena, etc. Toutes font appel aux instruments et méthodes de mesure traditionnelles (spectrophotométrie, colorimétrie, fluorescence, spectrométrie d’absorption atomique...).

Un des domaines où l’analyse est de plus en plus automatisée est le contrôle des eaux usées avec la mesure de la DCO (demande chimique en oxygène) et du phosphore. En général, plusieurs paramètres peuvent être mesurés en parallèle sur un même échantillon et l’ajout d’échantillon en cours d’analyse est possible. Chaque solution est modulable à l’instar du Rohasys d’Hach Lange (ou AP3900 Multi Hach) qui comporte un spectrophotomètre (modèle DR3900) et un bras automatique capable de préfiltrer, diluer, chauffer et préparer les échantillons en y ajoutant les réactifs ad hoc. « La révolution remonte à fin 2007 en France, indique Frédéric Soumet d’Hach Lange, leader national. Depuis, nous améliorons sans cesse nos robots, d’abord en termes de rapidité et de capacité d’analyses, car les laboratoires doivent faire face à des volumes de mesure accrus en raison de leur regroupement et de la réglementation. A l’heure actuelle, grâce aux nouvelles potentialités du Rohasys commercialisé depuis 4 ans (3e génération), nous renouvelons les robots en place. Rohasys contrôle simultanément 9 paramètres : DCO ISO, phosphore total, ortho phosphate, azote total, nitrite, nitrate et ammonium, chlorures et les phénols. Validé par l’Afnor pour la mesure de la DCO et du phosphore, il équipe bon nombre des laboratoires agréés. Dans sa configuration de base, il permet des analyses quotidiennes de 20 échantillons de DCO et phosphore total et 10 échantillons d’eaux propres pour l’analyse des nitrites, nitrates et de l’ammonium grâce à sa capacité de 24 échantillons, 2x24 positions de minéralisation et deux blocs chauffants. Ces capacités peuvent aller jusqu’à 100 échantillons et 2 x 48 positions de minéralisation.»

Pourquoi investir dans un robot d’analyse ? Si la première raison reste la cadence, d’autres arguments deviennent de plus en plus importants. Au premier rang desquels, la sécurité. Les risques de manipulation de réactifs acides pour la minéralisation des échantillons et d’inhalation de réactifs CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques) lors de l’analyse de la DCO doivent être autant que possible limités. « Ce que permet le robot, couvert avec un capot, explique Jérôme Porquez de Macherey Nagel : le technicien l’ouvre, y met les échantillons, précise l’analyse à faire et le robot gère tout ensuite. C’est le cas de la mesure DCO ISO en tube fermé que nous proposons avec notre robot spectrophotométrique SP2000 développé avec Skalar. Les tubes sont prêts à l’emploi, il suffit d’y mettre les échantillons sans manipuler de réactifs. » Il fait aussi remarquer que la méthode ISO est bien plus sensible que la méthode Afnor : elle permet de mesurer des DCO jusque 5 mg/l au lieu de 30 mg/l. Seuls Macherey Nagel et Hach Lange proposent des robots capables d’effectuer cette mesure en tubes fermés. Modulable lui aussi, le SP2000 comporte une plateforme commune, avec un spectrophotomètre Nanocolor VIS II, adaptée ensuite aux besoins de chacun en termes de nombre d’analyses (24 à 336 échantillons, analyses séquentielles ou en parallèle), d’étapes de préparation de l’échantillon, de manipulation... Sa dernière version, mise sur le marché il y a un an, permet d’analyser plus vite plus de paramètres. « Nous avons gagné environ 35 % en rapidité grâce aux déplacements optimisés du bras manipulateur et au logiciel qui pilote les analyses, calcule et prévoit tous les mouvements du bras, poursuit Jérôme Porquez : l’échantillon brut est déposé dans un flacon, mélangé, dilué, les diluats sont introduit dans le tube d’analyse que le robot agite selon le paramètre mesuré, ouvre pour y ajouter les réactifs, fait chauffer si besoin, laisse refroidir et analyse. Le résultat est collecté et vient compléter une base de données. » Le SP2000 mesure désormais ortho phosphore, phosphores totaux, nitrates, nitrites, ammonium, sulfure et même pH, redox et température. « Pour cela, depuis mi 2016, nous proposons la combinaison de 2 robots avec un bras qui manipule les réactifs et fait les analyses, l’autre qui produit les mesures pH et redox », ajoute Jérôme Porquez. Pour assurer la fiabilité des résultats, une mesure de turbidité vérifie également l’absence de trace de doigt ou de perturbation sur les tubes.

Pour les méthodes colorimétriques, le Gallery Plus de Thermo Scientific analyse simultanément plusieurs paramètres d’un même échantillon, surveille en temps réel les réactifs et la dilution, avec une cadence allant jusqu’à 300 tests par heure, une à trois heures d’autonomie et une capacité de chargement jusqu’à 54 échantillons et 42 réactifs. Il utilise aussi des réactions turbidimétriques et bichromatiques ainsi qu’en option, un module électrochimique pour la mesure du pH et de la conductivité. Le SmartChem 600 d’AMS Alliance, fabricant historique d’analyseurs flux continus et séquentiels, est dédié à l’analyse séquentielle pour de gros laboratoires, pour des volumes conséquents d’analyses (600 tests/h) et des seuils de détection très faibles de nitrates, nitrites, ammoniaque, phénols, phosphates, cyanures, détergents, chrome VI… Un rack de chargement de 200 échantillons permet de multiplier les analyses et de lancer de grandes cadences à l’avance. Le Robotic Titrosampler 855 de Metrohm permet, quant à lui, de mesurer pH, chlorures, fluorure, conductivité, turbidité avec une préparation automatique des échantillons, un nettoyage et un conditionnement automatique du capteur et un fonctionnement autonome grâce à l’unité de commande Touch Control 900 ou au logiciel de titrage tiamo.

« Outre le gain de temps d’analyse, un robot permet de limiter le volume de réactifs grâce aux microméthodes », complète Frédéric Soumet d’Hach Lange qui propose également désormais la gestion des réactifs usés, de leur récupération auprès des laboratoires jusqu’à leur recyclage complet dans un de ses centres, agréé, à Düsseldorf. Autre point fort des robots, leur simplicité d’utilisation, la qualité du suivi et de la gestion des données : « Le Rohasys est fourni avec un ordinateur raccordé. L’état de l’analyse peut être suivi en temps réel sur écran, un suivi facilité avec des codes couleur. La traçabilité des résultats et des étalonnages est bien sûr garantie et les données peuvent être gérées automatiquement avec une interface LIS. » L’interface informatique du SP2000 de Macherey Nagel a aussi été améliorée, avec notamment une version française. Idem chez Horiba où le logiciel de pilotage de l’Aqualog confinait jusque-là le robot aux laboratoires de recherche : désormais, une version logicielle simplifiée rend ses analyses accessibles à tous.

Mais le robot va-t-il vraiment plus vite que l’opérateur ? « En fait, son temps d’analyse par échantillon est légèrement plus long qu’une analyse manuelle, reconnait Jérôme Porquez de Macherey Nagel. C’est sur 24h qu’il est plus performant. Une analyse comporte des temps incompressibles comme le chauffage pour la DCO (2h) ou la stabilisation de la couleur. Ensuite, le robot effectue la mesure de DCO en moins de 2 mn quand une analyse manuelle prend une minute. Nous poursuivons les développements avec Skalar pour accélérer la cadence d’analyse en accélérant les mouvements du bras manipulateur et en multipliant le nombre de taches simultanées. Nous estimons pouvoir encore gagner jusqu’à 40% de temps de manipulation selon les analyses. » Même message chez Hach Lange qui affirme que ses robots sont les plus rapides : « Le logiciel pilote l’analyse et garantit la séquence optimale mais c’est le bras qui fait tout. Nous continuons à optimiser nos robots en travaillant sur leur rapidité et leur capacité. » Dans tous les cas, la présence du technicien reste indispensable mais il dispose de plus de temps à consacrer à autre chose.

Une des étapes la plus longue et la plus génératrice d’erreurs de manipulation, contamination, interprétation, est la préparation des échantillons, un domaine dans lequel Horiba a lancé une solution remarquée en 2015 avec le Vulcan, lauréat du prix Forum Labo. Cette station fermée automatise toutes les étapes de préparation d’un échantillon (distribution d’acides, chauffage, agitation, mise à volume, dilution, transfert). Elle peut être mise en amont de tout type d’appareil de mesure : spectromètre optique, de masse et d’absorption atomique, fluorescence... Côté appareil d’analyse cette fois, Agilent Technologies développe sa gamme d’ICP-MS pour doser tout type d’éléments chimiques par spectrométrie atomique, à partir d’un passeur automatique de plusieurs centaines d’échantillons. La préparation (en général un ajout d’acide pour stabiliser les échantillons) doit être assurée par un opérateur. Il suffit ensuite de choisir la méthode validée pour la matrice concernée. Hach Lange propose, pour sa part, de longue date, le Ganimede P pour mesurer en 3x8 seulement le phosphore total et les orthophosphates (méthode photométrique). Devenu une référence pour les laboratoires agréés, cet appareil intègre un passeur et assure une mesure en 4mn au lieu d’1h grâce à une méthode de chauffe très accélérée.

Certaines analyses comme la mesure du carbone organique total (COT) nécessitent peu de préparation mais sont de plus en plus automatisées grâce à un passeur d’échantillons. « Nous ne vendons plus d’instrument sans passeur, reconnait Christian Consolino en évoquant les COTmètres de laboratoire de Shimadzu. Nous proposons deux solutions adaptées aux deux besoins des laboratoires : l’Octopus, un passeur de 8 échantillons (avec les flacons de prélèvement sans flaconnage spécifique) qui intéresse les laboratoires de contrôle d’industriels et un grand carrousel de 68 ou 93 positions avec système d’agitation magnétique (flacons de 9, 24 ou 40 ml) adapté aux besoins des laboratoires de prestation. Les performances sont les mêmes mais le coût du passeur de petite capacité est 5 fois moindre. » Dans l’automatisation, comme ailleurs, la solution doit être adaptée au besoin.

Paru dans l'Eau, l'industrie, les Nuisances n° 399

Mots clé : Technologies de l'environnement | Analyse des eaux | Automatisation |

2017-01-25, Braly Jean-Philippe, Technoscope