Neurones : des vésicules de transport autonomes

Une équipe a découvert comment les vésicules transportant des molécules indispensables s'auto-propulsent à l'intérieur des neurones en produisant leur propre énergie. Une découverte qui ouvre un nouvel espoir dans la lutte contre les maladies neurodégénératives.

Alzheimer, Parkinson, Huntington... Un grand nombre de maladies neurodégénératives partagent un point commun : dans les neurones, les vésicules dédiées au transport de diverses molécules indispensables à leur bon fonctionnement font mal leur travail. Mais pour trouver une solution à ce problème, encore faudrait-il bien comprendre comment elles se déplacent. "Notre équipe* vient de découvrir qu'en fait, elles s'auto-propulsent en transformant elles-mêmes du glucose en "ATP", cette source d'énergie majoritairement produite par les mitochondries lors de la respiration des cellules", explique Frédéric Saudou, Directeur du Grenoble Institut des neurosciences.

 Des enzymes qui transforment le glucose en énergie

 Dans un premier temps, les chercheurs ont réussi à récupérer, isoler puis purifier des vésicules de transport intraneuronal, issues de cerveaux de souris génétiquement modifiées pour rendre ces vésicules spécifiques fluorescentes. Grace à de puissants outils de séquençage de protéines, ils ont ensuite identifié leurs différents types de protéines constitutives, 1291 au total.

 Parmi les protéines plus abondantes sur ces vésicules, les chercheurs ont identifié dix enzymes dites "glycolytiques". Leur particularité ? En combinant leurs efforts, elles sont capables de transformer du glucose en ATP. In vitro, les chercheurs ont alors réduit l'activité de ces enzymes en appliquant une molécule qui les empêche d'utiliser le glucose présent. Conséquence : la vitesse de déplacement des vésicules a diminuée d'autant. Puis, en levant cette inhibition, la vitesse revenait à la normale.

 L'équipe a ensuite monté un dispositif in vitro composé de vésicules de transport intraneuronal prélevées sur des souris, des molécules nécessaires aux enzymes glycolytiques pour produire de l'ATP à partir de glucose... et des "rails" qu'utilisent les vésicules dans les neurones (microtubules). Enfin, les chercheurs se sont assurés que le milieu de culture ne contenait aucune mitochondrie ni autre composant neuronal susceptible de fournir de l'ATP.

 Une piste déjà explorée sur la maladie de Huntington

 Résultat : les enzymes glycolytiques des vésicules se sont bien mises à produire de l'ATP en grande quantité. Mieux encore, les vésicules ont effectivement réussi à se déplacer le long des microtubules. Et plus elles se déplaçaient le long des microtubules, plus leurs moteurs moléculaires consommaient d'ATP. CQFD ! "C'est la première fois qu'une étude met en évidence un système locomoteur autonome pour ces vésicules neuronales totalement indépendant des mitochondries !", se félicite Frédéric Saudou.

 Ce résultat ouvre de nouvelles pistes de lutte contre les maladies neurodégénératives. En effet, certaines de ces pathologies pourraient bien présenter des altérations des dix enzymes glycolytiques indispensables à ce mécanisme de propulsion. Si c'est bien le cas, cela permettrait d'identifier de nouvelles cibles thérapeutiques... "Une des stratégies serait alors de stimuler ces enzymes glycolytiques afin de rétablir le transport intraneuronal dans ces pathologies", conclut Frédéric Saudou. Son équipe vient de lancer des travaux en ce sens sur la maladie de Huntington, dans laquelle le transport des vésicules contenant une molécule indispensable à la survie des neurones est altéré.

 *Note

Grenoble Institut des Neurosciences, Unité Inserm U1216, Université Grenoble Alpes et CHU de Grenoble, Institut Curie, CNRS/UMR3306 et Unité Inserm U1005 à Orsay, Université Paris Sud 11, CNRS/UMR 5297 et Interdisciplinary Institute for Neuroscience (Bordeaux), Technische Universität Dresden (Allemagne).

 

Source

M-V. Hinckelmann et coll. Self-propelling vesicles define glycolysis as the minimal energy machinery for neuronal transport. Nature Communications, DOI:10.1038/ncomms13233, 2016.

 

Mots clé : Technologies de la santé | Neurones | Vésicules | Molécules | Enzymes glycolytiques

2016-11-07, Braly Jean-Philippe, Technoscope